De Jacques Prévert, on ne connaît que peu de choses, hormis ses poèmes et ses scénarios. A l'occasion de l'exposition « Jacques Prévert, Paris la belle », à l'Hôtel de Ville de Paris, Camille Clavel invite à mieux connaître ce poète populaire et pourtant subversif. Jacques Prévert n'aimait pas les enfants sages. Il leur préférait les insolents, les insoumis, ceux qui contestaient l'autorité. A sa fille, il disait : « Si tu es méchante, tu iras au paradis. » Il n'était pas question d'accepter de se plier aux ordres, aux conventions, aux lois. Pour lui, l'existence ne pouvait s'envisager sans être libre de ses choix. Du service militaire qu'il passa la plupart du temps au trou à son refus de se soumettre aux directives intransigeantes d'André Breton, chef de file des surréalistes, en passant par son engagement — dont il parla peu — dans la Résistance, il ne fit jamais ce qu'on lui imposait. Désobéir fut un verbe qu'il se plut à conjuguer, aussi bien dans sa vie que dans ses textes. Difficile dès lors de comprendre le succès que rencontra — et rencontre encore aujourd'hui — le poète auprès des maîtres d'école… Il semble que son ironie ne fut pas mordante au point d'être prise au sérieux. Anarchiste n'est pas un adjectif qui lui correspondait ; idéaliste bien davantage. Il aspirait à un monde affranchi de ses entraves, généreux et fraternel. L’homme au-dessus de tout Il rejetait avec force tout ce qui avait trait à la religion parce que, pour lui, la foi soumet les hommes. « Dans toutes les églises, il y a quelque chose qui cloche », se moquait-il, avant d'oser écrire ces vers iconoclastes : « Notre Père / Qui êtes aux cieux / Restez-y. » Il ne pouvait pas non plus s'habituer à la pauvreté et à l'asservissement de l'homme par l'homme. Dans ses poèmes, dans ses scénarios, il disait aussi tout son dégoût pour la guerre. Pour ce documentaire, le réalisateur Camille Clavel a convoqué amis du poète et spécialistes pour brosser un portrait de Jacques Prévert loin des idées reçues. Entre interviews, images d'archives et témoignages se dessine l'image d'un homme dont les propos, finalement, ne sont pas si recommandables pour les plus jeunes élèves… Isabelle Ducrocq